vendredi 20 janvier 2012

Jean-Louis Fournier : Veuf

Stock, 2011

"Je suis veuf, Sylvie est morte le 12 novembre, c’est bien triste, cette année on n’ira pas faire les soldes ensemble."

Je donne dans les veufs en ce moment. Après Rosa Montero et le personnage de Matias, veuf (critique à venir), Jean-Louis Fournier et, en attente sur mon bureau, Joyce Carol Oates, veuve récente. Ca n'est pas fait exprès !
Le début commence par l'humour acéré bien connu de Jean-Louis Fournier, la phrase sur les soldes. Mais au fil des pages, sa peine éclate, tenue à distance, pas de pleurs, il a perdu la béquille qui lui faisait voir un peu la vie en rose. Il s'adoucirait presque. Presque ! Il nous parle d'elle, la raconte à petites touches, avec une tendresse infinie que donne 40 ans de vie complice et commune, histoire de continuer un peu à la maintenir en vie. Un récit vraiment très touchant.
Et grâce à ce livre, j'ai appris qu'il existait des plantes autonettoyantes !

"Elle n'aimait pas parler d'elle, encore moins qu'on en dise du bien. Je vais en profiter, maintenant qu'elle est partie."

"Depuis que la rayonnante Sylvie s'est éteinte, il fait sombre dans la maison , je vis dans la pénombre . J'ai eu beau changer les ampoules, j'ai eu beau en mettre des plus puissantes avec plein de watts , il fait toujours sombre."

"Maintenant, tous les matins, je me réveille seul. Je ne me souviens plus tout de suite de la triste nouvelle, comme si tu remourais tous les matins. "Remourir" est un verbe qui, heureusement, n'existe pas, je l'ai inventé, ça veut dire mourir à nouveau. On dit bien "revivre"."

"Sur mon téléphone portable, j'ai retiré ton nom de mes contacts. J'ai appuyé sur "chercher", j'ai fait dérouler tous les noms jusqu'à "Sylvie", puis j'ai appuyé sur "option" et là j'ai choisi "supprimer". Mon écran a affiché une terrible question : "Supprimer Sylvie ?". J'ai hésité longtemps. Finalement, j'ai enfoncé avec émotion la touche "OK". J'avais l'impression d'être le président de la République qui appuyait sur le bouton rouge de la bombe atomique. Est apparu alors sur l'écran une petite poubelle avec un couvercle sautillant qui s'est posé dessus pour la fermer. Voilà, c'était fait, je t'avais mise à la poubelle."

"Tout ce que les machines compliquées de la Salpêtrière n'ont pas réussi à faire, moi, je le fais avec des mots. Je te réanime."

"Je t'ai souvent reproché d'être trop gentille. Je n'aimais pas le mot "gentil". Depuis que tu es partie, j'ai l'impression d'avoir un peu changé. La gentillesse des gens commence à m'émouvoir, je fais peut-être du ramollissement cérébral, je vais arriver à la bienveillance sénile, qui doit être sur le chemin de la démence sénile."

"Bientôt, je vais aimer tout le monde et je vais devenir redoutablement ennuyeux."

"Tu m'as supporté. J'étais donc supportable."

"Madame SFR ne veut pas voir la vérité en face, elle t'envoie toujours des lettres.
Pourtant, elle a été prévenue, elle est dans le déni, comme on dit. Elle ne supporte pas de t'avoir perdue, elle est inconsolable."

"J'aimerais bien te couvrir d'or comme les reines d'Egypte. Je ne regarde plus les châteaux à vendre, je n'ai plus envie de château, j'ai perdu ma reine. Je suis un vieux roi qui s'emmerde. Mon or ne sert plus à rien.
Si j'étais généreux, je le donnerais aux pauvres."

"Si tu lis tout ce que j'ai écrit, tu vas avoir envie de revenir. Je pense ne t'avoir jamais dit autant de choses agréables, sans doute à cause de mon imbécile pudeur. Autant je suis habile pour dire des choses désagréables, autant les choses agréables restent bloquées dans ma gorge. Maintenant que tu n'es plus là, j'ai moins honte. Et puis j'ai l'impression que c'est plus facile d'écrire que de dire."

2 commentaires:

  1. J'aime beaucoup Fournier mais je ne sais pas si je pourrais lire ce livre sans verser des torrents de larmes ...en tout cas les extraits que tu as mis sont très touchants .
    Merci Iza,bises
    Josy

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    1. Je ne te dirai pas que je n'ai pas eu la larme à l'oeil de temps en temps. D'habitude, il a la dent très dure mais là, il semble s'adoucir un peu tant il a de chagrin.

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