mercredi 9 novembre 2011

Jonathan Coe : testament à l'anglaise

Bon, je viens d'en poster quelques extraits sur Babelio et je ne résiste pas à l'envie de les rajouter ici :

"Il y a des mois que je dis que nous devrions faire une émission sur Saddam Hussein et l'armement de l'Irak. Nous sommes dans la situation grotesque d'avoir passé les dernières années à lui vendre des armes, et maintenant nous faisons volte-face et nous l'appelons la Bête de Babylone parce qu'il s'est mis à les utiliser. On aurait dû y penser un peu plus tôt."

"A chaque Noël, par exemple, elle m'envoyait, enveloppés dans un papier-cadeau, ses livres préférés parmi les parutions de l'année. Ce fut ainsi que ma bibliothèque se trouva ornée d'ouvrages de choix comme "Les grands plombiers d'Albanie" ; "La mauvaise haleine à travers les âges" ; l'essai novateur du révérend J.W. Pottage : "Il était une fois les plinthes" ; et des mémoires franchement inoubliables - bien que le nom de leur auteur m'échappe - titrés "Une vie dans l'emballage, fragments autobiographiques ; volume IX : les années polystyrène."

"J'ai également pris une ferme décision pour le mot "hôpital". Ce mot est exclu de nos discussions : nous parlons désormais d'"unités pourvoyeuses". Car leur seul but, dans le futur, sera de pouvoir à des services qui leur seront achetés par les autorités et par les médecins en vertu de contrats négociés. L'hôpital devient un magasin, les soins deviennent une marchandise, tout fonctionne selon les règles des affaires : produire beaucoup, vendre bon marché. La magnifique simplicité de cette idée m'émerveille."

"La viande (comme les oeufs de caille) venaient de chez Dorothy : son chauffeur l'avait apportée en voiture dans l'après-midi et elle avait donné au chef des instructions détaillées pour la préparer. Elle gardait, dans un enclos derrière sa ferme, un petit troupeau de porcs élevés en plein air, pour son usage personnel. Comme Hilary (qui ne regardait jamais ses propres programmes), Dorothy n'avait jamais eu la moindre intention de consommer les produits qu'elle était trop heureuse d'imposer à un public résigné."

"- Savais-tu que nous avons le projet de supprimer les repas gratuits pour plus d'un demi-million d'écoliers dans les cinq prochaines années ?
- Ca ne sera pas une décision très populaire, me semble-t-il.
- Oh, évidemment, ce sera un tollé, mais ça passera, et il y aura certainement quelque chose d'autre pour préoccuper les gens. L'important, c'est que nous allons économiser beaucoup d'argent et, en attendant, toute une génération d'enfants des familles pauvres et ouvrières aura pris l'habitude de ne manger rien d'autre que du chocolat et des biscuits toute la journée. Ce qui veut dire qu'ils finiront par s'affaiblir, physiquement et mentalement. [...] Un régime de sucreries retarde le développement du cerveau. Nos garçons l'ont prouvé, ajouta-t-il avec un sourire narquois. Et, comme le savent tous les généraux, à la guerre, le secret de la victoire, c'est de démoraliser l'ennemi."

"Le truc, c'est de faire sans cesse des choses scandaleuses. Il ne faut pas laisser aux autres le temps de réfléchir après avoir fait passer une loi révoltante. Il faut aussitôt faire passer quelque chose de pire avant que le public ne puisse réagir. Vois-tu, la conscience britannique n'a pas plus de capacité que... qu'un petit ordinateur domestique, si tu veux. Elle ne peut conserver en mémoire que deux ou trois choses à la fois."

Il y a des échos bien actuels, vous ne trouvez pas, pour un bouquin de 1994 ?...

J'adorerais recevoir une lettre de Coe, celles qu'il invente dans ses livres sont à se tordre de rire ! Et la rédaction laborieuse d'une scène pornographique, donc, hilarante !

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