(Encore une chronique matutinale...)
Heureux habitants de la Savoie et des autres départements français, ce n'est pas pour vous inquiéter mais il paraît que de plus en plus d'entre vous - d'entre nous - utilisent les services d'un psychanalyste, tant et si bien qu'il devient banal de recevoir des prospectus de réclame vous chantant les mérites d'une école de psychanalyse, car la psychanalyse n'échappe pas aux écoles.
Comme il est normal, chaque école a son langage que les initiés comprennent. Est-il raisonnable d'utiliser ce langage pour s'adresser à M. Toulemonde, c'est la question que je me pose à la lecture du prospectus qui m'est tombé dans le courrier.
On m'y vante les mérites d'une méthode baptisée "participative" qui, me dit-on dès la deuxième ligne, se déroule selon une répétition de cycles. Et l'on ajoute que chacun de ces cycles, je cite, "met successivement en oeuvre des séquences de périactivation et de rétroactivation puis de subactivation et de postactivation." Fin de citation.
Certes, on nous explique un peu plus loin que "la périactivation conduit à réactiver progressivement les latences conflictuelles, la rétroactivation à se situer au plus près des affects d'antan tandis que la subactivation et la postactivation mettent en situation d'émettre un jugement de valeur sur le bien-fondé des conditionnements auxquels on s'est soumis avant de passer à l'action".
Comme on le sait, l'une des méthodes utilisées par la psychanalyse est l'association d'idées : l'idée à laquelle j'associe la périactivation, la rétroactivation, la subactivation et la postactivation est celle du garagiste qui, jadis, après s'être penché sur le moteur de mon antique 2CV, levait vers moi un regard empreint de gravité et lâchait d'une voix sépulcrale : "Y va falloir au moins y changer l'déco, pis remplacer les vis platinées et le gicleur. Quant à l'allumage..." Et moi, tremblant, comptant les sous au fond de mes poches, je demandais : "Et ça va aller chercher dans les combien ?" Et le garagiste, impérial et mystérieux, répondait : "Ah, ça..."
Aujourd'hui, j'ai renoncé à l'automobile et il paraît que les garagistes sont beaucoup mieux organisés. Les psychanalystes de mon prospectus aussi ; ils proposent trois types d'analyses : la classique, qui dure vint mois, l'intensive, qui se pratique en six mois, et l'analyse à haut niveau d'intensité qu'on vous fourbique en six semaines. Je dois dire que six semaines de périactivation rétroactive et de subactivisme postactionnel me paraissent un délai raisonnable pour nettoyer mon inconscient.
Une question cependant me tarabuste le conscient : est-ce qu'en même temps que l'analyse à haut niveau d'intensité, on peut suivre un régime amaigrissant ?
Je vous souhaite le bonjour.
Nous vivons une époque moderne.
27 décembre 1994
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire