jeudi 6 octobre 2011

Pierre Bergounioux : Miette

Editions Gallimard, 1995.

"Le haut plateau granitique du Limousin fut l'un des derniers refuges de l'éternité. Des êtres en petit nombre y répétaient le rôle immémorial que leur dictaient le sang, le sol et le rang. Puis le souffle du temps a touché ces hauteurs. Ce grand mouvement a emporté les personnages et changé le décor. On a tâché de fixer les dernières paroles, les gestes désormais perdus de ce monde enfui."

Un roman extrêmement âpre, sans dialogues, avec si peu d'amour, qui raconte des histoires de mariages forcés, de vies conformes à ce qui en est attendu. La terre est vivante, dure, elle asservit les hommes. Pas de joli roman sur les fleurs et les petits oiseaux, la terre est acide, le climat rude, les arbres ne sont là que par la volonté des hommes et dans un but précis. Ceux qui parviennent à quitter la terre finissent par revenir, happés et repris.
Cette vie difficile ne connaît aucune pose, aucune relâche, on tombe même "comme une pierre, dans un sommeil sans rêves", avant de repartir au travail.
Je n'ai pas eu l'impression que les personnages bavardaient ou même se parlaient, le seul mot qui revient et qui retrace une idée de dialogue est "non".
Un beau roman, mais un peu trop âpre pour moi.

Quelques extraits :

"Certains, en vérité, n'existent pas vraiment quand, pourtant, on peut les voir passer et repasser dans la lumière, entendre ce qu'ils disent. Ce n'est pas eux. "

"C'est peut-être pour ça que les filles, alors, on les appelait Marie. Le mot contenait sans doute une allusion à la Mère du Sauveur, à ses sainteté et bénignité, mais il ressemblait un peu, aussi, à des vocables comme Truc, Machin, avec son féminin, Machine, et l'acceptation que prend ce dernier lorsqu'il est commun - machine. "

"Il tenait de sa mère la résolution qui lui interdisait de jamais regarder à quoi que ce soit qui aurait été lui, d'écouter cette voix qui souhaite des ménagements, de l'indulgence, d'arrêter, cette faiblesse en quoi consiste, en fond, un soi. Mais il lui est arrivé d'émettre quelque réserve sur le goût de tel ou tel plat. "

"Ce fut décidément pour ces hommes et ces femmes - ou cet homme de trente siècles qui eut nom Baptiste et cette femme de trois mille ans qu'on appela Miette, et pour Jeanne, encore, qui était déjà un peu étrangère - un rude baptême, un passage mouvementé que celui qui les conduisit de l'éternité au temps. Ils n'eurent même pas le temps de se retourner, de considérer tout ce qui, à cet instant, se passait à grand bruit, en ce lieu où ils vivaient et mouraient et renaissaient depuis le fond des âges, identiques à eux-mêmes, inchangés, tels que la terre, les choses, sans interruption, les avaient requis. "

2 commentaires:

  1. Bien envie d'aller par là. Merci d'avoir montré ce chemin litt&raire. Bonne fin de jour d'automne.

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