samedi 3 septembre 2011

Corinne Lepage : La vérité sur le nucléaire

aux éditions Albin Michel, 2011

"Le nucléaire est un sujet tabou en France. Qu'il s'agisse de la sécurité des centrales, du coût réel de cette énergie ou des contraintes qu'elle fait peser sur notre démocratie, l'opacité règne.
Mais depuis, il y a eu Fukushima. Cette catastrophe a tout changé : que se passerait-il en France si un accident similaire se produisait ? Sommes-nous vraiment préparés à ce type d'événement ? Quel est le poids du lobby nucléaire ?
En présentant tous les arguments, Corinne Lepage, ancienne ministre de l'Environnement, députée européenne et avocate spécialisée dans les dossiers liés à l'énergie, répond aux légitimes questions que se pose désormais l'opinion.
Un document à la fois très fort, très argumenté, qui évite les procès d'intention et ouvre un débat longtemps interdit."

Dans un livre clair, précis, extrêmement bien documenté, Corinne Lepage dresse un bilan alarmant sur le nucléaire en France.
Sans argument passionnel ni a priori, mais la tête froide et avec méthode, elle nous explique dans le détail :
- les nombreux risques encourus en France
- la mise à part de l'industrie nucléaire vis-à-vis de la sécurité et des lois qui concernent les autres secteurs
- le coût exorbitant de cette industrie et son peu de rentabilité véritable
- l'élimination planifiée des énergies concurrentes
- les "délicatesses de langage" qui servent de langue de bois au nucléaire
- les mensonges et malhonnêtetés qui l'entourent, le silence des médias
Ce livre n'est pas un livre vengeur, je le répète, il est clairement énoncé et argumenté. Et il n'est pas pessimiste ! Autant la situation est vertement dénoncée, autant les pistes possibles pour agir autrement sont explorées.
Le dernier chapitre ouvre tout un champ d'opportunités et nous rassure sur ce qu'il est rapidement et facilement possible de faire.
Etant donné la récente catastrophe de Fukushima, les retombées toujours actuelles de Tchernobyl (même si on n'en parle pas), sans compter, bien entendu, les proches élections, un livre important qu'il est urgent de lire afin de contrer le gavage médiatique officiel !

Désolée, mais pas trop, encore plein de citations dont une que je place en premier et dans une couleur différente, histoire que chacun et chacune prenne bien la mesure du mépris dans lequel on nous tient - sans parler de la désinformation :

"De plus, un très discret arrêté, signé en mai 2010, a fixé les modalités de dérogation - une de plus - aux normes sévères de protection des consommateurs contre la présence de radionucléides. Ces dispositions laxistes, contestées devant le Conseil d'Etat, permettront en particulier aux gravats issus du démantèlement de centrales nucléaires d'être réutilisés à grande échelle dans des matériaux de construction, sans possibilité de traçabilité. Une disposition incroyable !"

"Cela explique l'improvisation complète de la gestion de la situation après l'accident, symbolisée notamment par ces quelques hélicoptères larguant de l'eau salée sur les quatre réacteurs, à partir de seaux qu'on aurait dits ramassés dans des jardins proches. Une mesure effrayante tant elle apparaissait dérisoire, et qui a d'ailleurs été très vite abandonnée."

"Au final, la poursuite de cette industrie se fait dans l'opacité, avec des règles particulières totalement dérogatoires au droit commun et dans un contexte où la priorité absolue lui est donnée au détriment des intérêts sanitaires et, au-delà, du budget et de l'économie.
Il en va ainsi parce que l'énergie nucléaire est la seule industrie dont on accepte aujourd'hui qu'elle fasse courir aux Français un péril mortel, qu'elle crée des déchets qu'on ne sait pas traiter, dont la toxicité va durer des milliers d'années et pour laquelle il n'y a en réalité aucune assurance. Autrement dit, l'Etat nucléaire est incompatible avec l'Etat démocratique et avec toute politique de développement durable, même soft."

"[liste de distances entre de grandes villes et des centrales françaises]
Si l'on regarde les conséquences de Fukushima, on est estomaqué de ce qu'on (re)découvre : rien n'est envisagé sérieusement pour la plupart des villes situées à moins de 50km d'une centrale. Sans doute parce que chacun sait que l'évacuation d'une population très nombreuse est difficilement envisageable, on a préféré faire l'impasse sur cet aspect des choses. Il suffit de regarder ce que sont les bouchons sur nos autoroutes ou nos routes les jours de grands départs !
Or, s'il s'agit d'un accident grave, le premier constat est notre incapacité à protéger convenablement la population, puisque celle-ci ne pourrait pas, en réalité, être évacuée compte tenu de ce qu'est le territoire français. A-t-on, délibérément, en connaissance de cause, décidé de ce sacrifice ? Si oui, qui ? Et quand ?"

"En France, le coût de l'EPR de Flamanville, initialement prévu à 3 milliards, a été réévalué à 4 milliards d'Euros, puis 5,33 voire 6 milliards d'Euros (soit 100% d'augmentation, ce qui est énorme). Et c'est un minimum, compte tenu du précédent finlandais et de l'estimation américaine sus-évoquée qui conduirait plutôt à un coût de 6 à 8 milliards d'Euros... avant Fukushima. "

"Toujours selon le même document, un dispositif de blocage de l'éjection limiterait donc le risque d'accident. Or ce dispositif n'est pas prévu pour l'EPR. Problème. La solution est "évidente" pour le chef du département combustible nucléaire d'EDF : "L'idéal serait d'essayer, pour les réacteurs du futur, de ne plus prendre en compte ce type d'accident". Voilà les gens qui sont sensés, chez nous, être responsables de la sécurité des centrales !"

"On nous répète à longueur de journée de l'électricité nucléaire est rentable, compétitive, bref que c'est une (bonne) affaire. Le premier secret est encore bien gardé : c'est celui de la gravité de l'endettement des deux groupes qui sont au centre de la filière. Areva comme EDF sont des entreprises publiques. Mais l'Etat n'a plus d'argent. On a donc ouvert le capital, comme on dit, pour ramasser les fonds du privé.
Pourtant, il faut espérer que le secteur nucléaire reste public. D'abord, parce qu'il s'agit d'un secteur clé pour notre pays ; ensuite, parce que c'est une activité dangereuse dans laquelle l'impératif de sécurité doit primer sur celui de la rentabilité. Ensuite, parce que ce sont les Français qui ont investi depuis 60 ans et continuent de le faire par le biais de la recherche publique. Il n'existe donc aucune raison de faire cadeau de cet effort à des actionnaires privés, comme le gouvernement Villepin nous l'a imposé pour les autoroutes. Enfin parce que le caractère géostratégique du sujet rend impossible, sauf à être totalement déraisonnable, l'entrée au capital, à un niveau significatif, d'intérêts étrangers, en particulier non européens. "

"Sur le plan géopolitique, la prolifération nucléaire représente un risque majeur pour le monde, la menace terroriste demeurant toujours latente avec cette technologie. Entre l'éventualité du crash d'un avion sur une centrale et les trafics de matières fissiles permettant les bombes sales, toute une gamme de risques existe contre lesquels il est très difficile de lutter. "

"En définitive, la filière est prise à son propre piège, mais nous aussi. Car nous sommes les cobayes, mais également et dans tous les cas les payeurs finaux des investissements incontournables, même en cas de sortie du nucléaire. Nous aurons à payer plus et à risquer plus car, quels que soient désormais les choix, nous avons des centrales à démanteler sur le siècle et des déchets à garder sur des centaines voire des milliers d'années. "

"Le débat, désormais, va devenir incontournable malgré les efforts du gouvernement. D'abord, parce que notre refus d'accepter des règles et un contrôle communautaires sur les stress tests va évidemment être contesté - en France comme en Europe. Ensuite, parce que nos voisins, eux, ont commencé librement à discuter du sujet et qu'ils vont étendre leurs investigations aux centrales frontalières qui pourraient les menacer : Fessenheim, Cattenom, Chooz notamment. Enfin, la question est maintenant planétaire. La France va-t-elle rester seule au monde à s'enferrer dans ses choix passés tandis que tous les autres pays seront plus sages ? "

"[Liste de présences croisées au sein des conseils d'administration].
On le voit, les liens entre EDF et Areva d'une part, les secteurs bancaire, énergétique et industriel d'autre part sont étroits et constituent un excellent moyen pour le nucléaire de défendre son point de vue. Il en va d'autant plus ainsi que dans ces conseils siègent des représentants de l'Etat au plus haut niveau, y compris le directeur de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), chargée des économies d'énergie."

Prochain post : une liste de liens sur le sujet

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