jeudi 11 août 2011

Hiromi Kawakami : le temps qui va, le temps qui vient

Aux éditions Philippe Picquier. Je viens de constater ce matin sur Electre que le livre est manquant chez l'éditeur, mais vous pourrez le trouver en bibliothèque, bien sûr, et j'espère qu'il sera réimprimé.

"C'est non pas une coupe de saké mais un poisson à la main que l'on pénètre dans ce petit quartier commerçant de Tôkyô. Car c'est surtout dans la boutique du poissonnier amateur de Cocteau que se rencontre la chaleureuse communauté de gens qui l'habitent. Chacun à son tour prend la parole dans une manière de fugue à la composition surprenante, à la fois très structurée et d'apparence aussi aléatoire que le hasard qui enchevêtre ces vies les unes aux autres. De chapitre en chapitre, les fils de ces existences séparées peu à peu se rejoignent et dessinent un motif qui ne deviendra pleinement lisible qu'aux derniers accords de la fin.
Il est question de solitude et de rencontres, de passions secrètes, de joies modestes mais délectables, et l'écriture ne se fait jamais plus légère que lorsqu'il s'agit d'évoquer les choses graves."

Si vous aimez la profondeur et la subtilité de la littérature japonaise, les livres qui prennent le temps de vous décrire le quotidien par petites touches, alors vous aimerez probablement ce roman.
Il ressemble beaucoup à un assemblage de nouvelles avec pour unique lien le quartier où se déroule l'histoire, les personnages souvent indécis prennent tour à tour la parole, s'entrecroisent sans insistance, les amitiés se lient et se dénouent, les amours s'y racontent.
Ne vous méprenez pas, on ne s'ennuie pas pendant la lecture ! Simplement, c'est un roman doux à la philosophie dépaysante, très différente de la nôtre. Très joli livre où j'ai cependant eu parfois un peu de mal à me repérer avec tous ces personnages.

Quelques extraits :

"Heizô donne du madame à toutes les clientes du magasin. Vers l'époque où je n'étais encore installée que depuis peu dans le quartier, à chaque fois que je venais acheter du poisson-sabre, chinchard ou autre, il y allait de son madame par-ci, madame par-là. Ca m'agaçait tellement que je lui avais même déclaré d'un ton sec que je n'étais pas mariée.
"Ah bon, tiens donc", avait répondu Heizô sans conviction. Et d'ajouter : "Je vous demande pardon, excusez-moi, ma petite dame !"

"Je pensais que je ne décidais de rien. J'avais cru que tout se passait en-dehors de moi, que c'étaient les autres qui tranchaient. Mais je faisais fausse route.
J'avais vécu, je vivais, et cela suffisait à déterminer les choses à chaque instant. Loin d'être manifeste, le choix avait lieu d'invisible façon, mais le seul fait de connaître quelqu'un, de le croiser, le seul fait d'être là, de respirer, avait des répercussions. Il était impossible de ne pas être impliqué. "

"Les hommes et les femmes qui ont longtemps vécu me donnent l'impression d'être, comment dire, sans artifice. Ils me semblent révéler les particularités qu'ils possèdent chacun en propre, ce caractère inné dont la nature a doté chacun en particulier et qu'ils se sont approprié au long des années, aussi bien les humbles, les modestes que les égoïstes, les gentils que les méchants.
J'aime cette nudité, cette expression de soi à l'état pur. "

"On n'y peut rien. Le temps s'écoule. Moi, je grandis. Ce que mes yeux n'avaient pas vu jusqu'à ce jour finit par m'apparaître. Inversement, les choses que je voyais naguère me deviennent invisibles."

"Quand on aime quelqu'un, je crois qu'on finit par accepter tout de lui.
- C'est si simple que ça ? ai-je dit."

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