mardi 17 mai 2011

Joyce Carol Oates : la légende de Bloodsmoor

Joyce Carol Oates : la légende de Bloodsmoor (Stock, 1985)

"En 1789, les cinq demoiselles Zinn de Bloodsmoor ont entre seize et vingt-deux ans. Quel sera leur sort à la veille du siècle nouveau? Une insupportable vieille fille raconte. Suite de Bellefleur, une histoire gothique mêlant le sublime et le grotesque, dépeignant une famille qui plonge dans l'ignominie et la naissance d'une certaine Amérique."

Tout d'abord, ce livre peut parfaitement se lire indépendamment de Bellefleur. Le résumé fait un peu beaucoup tapageur, mais ne vous y fiez pas, c'est une lecture ab-so-lu-ment formidable ! Je connaissais le nom de Joyce Carol Oates depuis des années, je connaissais son côté prolifique, ses différents pseudonymes, l'épaisseur de plusieurs de ses productions, mais du coup, je n'avais pas encore osé en ouvrir un jusqu'à "La légende de Bloodsmoor".
En entrant dans le livre, je suis un peu agacée par l'usage répété de l'italique pour certains mots, mais je comprends que cela reflète le ton de la narratrice (très bien-pensante, on l'imagine même facilement prononcer ces mots d'un accent emprunté et même se cacher les yeux d'un geste dramatique à certaines occasions !).
Puis se dévoile la saga des filles Zinn dont le destin sera atypique pour l'époque - sauf pour Octavia. Je ne dirais rien de plus pour ne pas gâcher l'histoire. Une grande et belle étude de moeurs sur le XIXe siècle américain, savoureuse, qu'on devine très bien documentée, sur le ton du pastiche, avec beaucoup d'humour. Je ne me suis jamais autant amusée en lisant la description de la mort d'un personnage, aux pratiques nocturnes très différentes de ce qu'il prêche dans la journée. Ce qui n'empêche pas l'inénarrable narratrice de le trouver très digne et très religieux.
Cette lecture m'a enthousiasmée ! Et quand j'ai vu passer sous mon nez ce matin le dernier opus de Oates ("Folles nuits") , j'ai sauté dessus et je ne le lâche plus en attendant avec impatience l'heure de prendre le train et de plonger dedans.


Quelques citations :
"Ne t'inquiète pas, ma chère enfant, je suis sûre que nous vous enterrerons tous !"
"Prudence avait aussi décontenancé John Quincy Zinn en lui serrant la main, car à l'époque, le contact physique était rare entre les sexes ; au moment des présentations, l'homme s'inclinait avec un profond respect devant la dame qui croisait ses mains gantées ou jouait avec son éventail. Une coutume que nous avons eu bien tort d'abandonner."
"A cette époque les mères avaient l'habitude de passer des heures avec leurs filles mariées, à tricoter des vêtements de bébé, mois après mois, année après année, en prévision d'une naissance imminente dont elles ne parlaient jamais ouvertement - des mots grossiers tels que "enceinte", "avoir un bébé", "attendre un enfant", étaient déplacés dans un foyer convenable. Pourtant Octavia, très excitée par sa première grossesse, au début de son mariage, s'était écriée dès qu'elle s'était trouvée seule avec Mme Zinn : "Maman ! Je crois que c'est arrivé ! Je veux dire... que cela va arriver ! M. Rumford va avoir un autre fils !"... avec une telle incrédulité que sa mère n'avait pas eu le coeur de la réprimander pour ce manque de tenue."

Pendant que j'y suis, j'ai ensuite tenté de lire "Sous un ciel qui s'écaille" de Goran Petrovic. J'avais emprunté ce livre suite à des critiques dithyrambiques lues dans un forum, dans l'espoir de trouver un roman original et loufoque. Original, oui, par rapport à ce que j'ai lu jusqu'ici. Loufoque... parfois. Pour une satire mordante de la société serbe, je crois que je ne l'ai pas trouvé assez mordante à mon goût ! Quelques passages amusants (comme le militant communiste qui se retrouve chez le docteur tellement il est habitué à lever la main pour voter en toutes occasions), mais pas assez pour retenir mon attention. Trop de personnages, peut-être ? Je ne l'ai pas terminé.

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