Tiens donc ?

Ce matin, en écoutant la radio, j'ai eu la surprise d'apprendre de la bouche d'un chroniqueur que je faisais partie des électeurs du Front National.
En effet, selon ce monsieur, les néo-ruraux entre 35 et 50 ans (dont je fais partie) votent Le Pen !
Si effectivement, j'ai quitté ma Seine Saint-Denis natale pour la Bourgogne rurale, c'était principalement parce que j'aime la campagne et que j'ai besoin de nature pour vivre, mais surtout que je voulais y vivre et élever mes enfants dans une atmosphère plus apaisée que celle de la banlieue. Je voulais y éviter les violences verbales et physiques dont j'ai été victime dans le 9.3. 4h de trajet par jour sans doute, mais j'ai des compensations le soir et le week-end, sans compter un assez agréable trajet en train longeant l'Yonne et la Seine. La vision quotidienne des arbres et de l'eau est très bonne pour le moral !
Mais de là à voter FN, il y a un gouffre ! Je serais plutôt Mélenchon, ces derniers temps. Ce que je reproche aux "sauvageons", comme on les a appelés, je le reproche également aux bobos parisiens écolo-gauchisants ou droitistes, bien sous tous rapports, entre autres, qui fréquentent la bibliothèque dans laquelle je travaille. L'impatience, l'incivilité, l'égoïsme, le sexisme, la malpolitesse, les attaques verbales (voire physiques, il y en a eu avant-hier contre une de mes collègues) ne sont pas l'apanage d'une seule catégorie de la population, loin de là. En ce qui me concerne, j'ai une dent contre ces personnes qui se comportent mal, mais je ne vais pas rejeter ce que je leur reproche sur l'ensemble de la population !
Il faut voir la situation dans laquelle nous vivons : de plus en plus de vitesse, de moins en moins d'approfondissement, de plus en plus de précarité, d'injustice sociale.
Et c'est le progrès, n'est-ce pas, c'est la crise, nous ne pouvons ab-so-lu-ment rien faire pour lutter contre ! Même qu'il faudra voter utile aux élections présidentielles, sinon on risque de favoriser le FN ! Les médias nous infantilisent et nous lavent le cerveau, pour une bonne partie, mais nous nous laissons faire sans protester. Il faut dire que l'école, sensée former notre sens critique et notre jugement, est attaquée au même titre que le reste de cette méchante fonction publique qui emploie tant de personnel surpayé et débordant de congés qui reste à se croiser les doigts toute la journée d'un air revêche. Parce que c'est l'image de nous qu'on véhicule dans les médias, en plus.
Eh bien non, désolée de vous décevoir, cher monsieur, je ne vote pas FN, je ne l'ai jamais fait et ne le ferai jamais. Déjà, par culture familiale : mon père était un ancien communiste qui a quitté le parti par dégoût (pour les raisons que citait son cher Jean Ferrat dans sa chanson, le bilan), mais qui a gardé son envie de se battre pour un monde meilleur. Parce que j'ai grandi en banlieue parisienne, entourée d'amies entre autres musulmanes (qui à cette époque-là, ne portaient pas le voile, ni leurs mères non plus, au passage) avec qui je jouais sans nous soucier des différences de culture. Parce que je travaille avec des collègues issus de l'immigration et que ça se passe très bien (sauf un, mais c'est un con, la connerie est internationale). Parce que mes lecteurs eux aussi issus de l'immigration sont dans l'ensemble tout à fait normaux et corrects. Parce que les p'tits cons que je rencontre dans les transports sont de toutes les couleurs. Parce que le passéisme du Front National me dégoûte, profitant du sentiment de fierté et d'appartenance des Français pour l'exploiter à leur profit et au profit des plus riches, ne nous leurrons pas. Et simplement parce que le problème n'est pas là, mais dans la redistribution injuste du capital que produisent tous les Français, qu'on essaie de faire passer pour des feignants cramponnés à leurs privilèges (moi j'appelle ça des droits), confisqué à l'intention de quelques-uns seulement et non de tous. Parce que certains vivent de mieux en mieux, dans un monceau de superflu, au détriment du reste de la population.
Voilà mon coup de gueule de la journée, après je reprendrai une activité normale.
Mais avant, je tiens à vous fournir ce lien qui me tient à coeur : l'appel pour une insurrection civique et démocratique lancé par Politis. Lisez cet appel, partagez le lien, agissez, engagez-vous !
Insurgeons-nous de façon pacifique et démocratique, sans haine, mais sans baisser les bras, ne nous laissons pas aveugler par nos rancoeurs mais cherchons à améliorer notre vie et la vie de nos enfants sans nous laisser convaincre par les "c'est impossible" qu'on sèmera sur notre route. Ca ne coûte rien d'essayer ! Je ne parle pas le langage de la haine, mais celui de la lutte pacifique, du partage, de l'amélioration, de l'espoir. Un autre monde est possible, battons-nous pour lui.

Comme le disait Brecht dans cette citation que j'adore, celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu.